dèrent l’un après l’autre devant l’entrée de la maison, en débitant leur thème de guerre et jetant sur le seuil, qui des boucliers, qui des ceintures, des javelines ou des baguettes, dont le nombre indiquait le nombre des ennemis tués ou faits prisonniers, ou celui des javelines qui leur avaient été lancées durant le combat. Cette bruyante parade dura longtemps. Le Prince voyant que le Lidj Dori, toujours à la même place, était à bout de forces, l’envoya chez sa mère.
Il me dit que je devais désirer me reposer et me fit conduire dans une jolie tente dressée à côté de sa maison. Elle était blanche et coquette ; une épaisse couche de joncs frais en recouvrait le sol ; un petit alga garni d’un tapis était au fond ; afin de me soustraire aux curieux, deux eunuques gardaient ma porte. Bientôt une suivante de la Waïzoro Sahalou, femme du Prince, vint me souhaiter la bienvenue de la part de sa maîtresse, demander si je gardais le jeûne et quels étaient les mets que je préférais. Je répondis que je ne jeûnais point, et que tout ce qu’elle daignerait m’envoyer serait bien reçu ; et plusieurs de ses suivantes me servirent bientôt un repas parfaitement préparé. Le Prince, à son tour, me fit inviter à venir rompre le jeûne avec lui. Comme j’achevais à peine, je m’excusai ; mais il me fit dire que, dussé-je, malgré l’abstinence rigoureuse qu’ils observaient, demander des viandes à sa table, il ne voulait faire son premier repas, depuis qu’il était mon hôte, qu’en ma compagnie.
On m’attendait pour le Benedicite. Le Prince m’indiqua un tabouret à la tête de son alga ; je sus plus tard que deux personnages jouissaient seuls de cette faveur. Le plus grand silence régna pendant qu’on mangeait ; les causeries à demi-voix s’établirent dès qu’on servit l’hydromel, et se prolongèrent durant une