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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

guerriers. Mais notre mise en scène fut en pure perte. Quoique peu inférieur par le nombre, Aceni-Deureusse n’osa nous attendre, et, profitant des brusques accidents du terrain, il se réfugia dans la forêt, où l’on ne jugea pas prudent de le poursuivre. Son arrière-garde, en s’enfonçant sous bois, nous envoya quelques balles qui ne blessèrent personne. Nous reprîmes notre route en forçant la marche, et, vers le milieu de la nuit, nous atteignîmes le village de Kouellèle Kuddus Mikaël, situé près des sources de l’Abbaïe.

Le village de Kouellèle est assis dans une petite et haute vallée située entre le Damote, le Metcha et le pays des Agaws ; cette vallée s’ouvre et s’élargit vers cette dernière province et se trouve close, du côté de l’Est, par la réunion des collines.

Je demandai à Ymer-Goualou à être conduit aux sources ; les chefs se consultèrent et me donnèrent une petite escorte. Le Lidj Dori devait m’attendre le lendemain au soir dans un district assez éloigné de là. Avant le jour, je me mis en marche.

La vallée et les pentes qui la circonscrivent étaient revêtues d’une végétation pressée, où dominait le gracieux Kerhaa (espèce de bambou), et les lianes qui entravaient notre étroit sentier annonçaient assez que peu de voyageurs en troublaient la solitude. Le sol devint tourbeux, l’atmosphère humide ; les arbres plus pressés et plus grands étaient revêtus d’une mousse luxuriante. Bientôt, le terrain croulier indiqua l’abondance des eaux souterraines ; nous arrivâmes à une clairière, et un soldat me dit, en désignant deux trous circulaires et bordés d’une mousse épaisse :

— Voilà l’Œil de l’Abbaïe.

Ces deux trous, larges de deux mètres environ, contenaient à pleins bords une eau limpide et sans