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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

homme, le front large, haut et bombé, les tempes délicatement dessinées, le nez petit, aux ailes mobiles, et de grands yeux à fleur de tête. Un léger duvet ombrait sa lèvre supérieure ; ses dents étaient petites, nacrées, et son menton court, fin, à fossette ; ses joues plates, larges, dénuées de barbe.

Son port de tête et ses moindres mouvements étaient doucement dominateurs ; son regard réservé laissait deviner une certaine complaisance pour lui-même. Quoique sa physionomie intelligente fût voilée de cette impassibilité qui convient à l’exercice d’un haut pouvoir, on y découvrait une grande bonté, timide plutôt qu’active, de la finesse, de l’enjouement, un manque de décision joint à l’entêtement, l’esprit d’aventures, l’intrépidité et ce doute mélancolique qui gagne souvent ceux qui ont la responsabilité des évènements et des hommes.

Sa toge, drapée avec soin, laissait entrevoir trois longs colliers composés de périaptes ou talismans recouverts en maroquin rouge ou en vermeil, entremêlés de grains de corail, d’ambre ou de verroterie rare. Il portait au petit doigt une bague en or, formée de trois anneaux engagés les uns dans les autres, et ornés chacun d’une émeraude ; ce bijou antique, admirablement ouvragé, provenait de l’Inde. Une longue épingle d’or, terminée par une boule en filigrane, était passée dans sa chevelure noire, touffue, ondoyante et ramenée en corymbe ; en sa qualité de Waïzoro, il portait aux chevilles des périscélides composés de petits cônes d’or enfilés.

Il ne fut pas plutôt installé sur sa couche, que nous vîmes entrer les deux personnages mandés.

Le premier s’avança en se découvrant respectueusement la poitrine, s’inclina profondément et s’assit