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DOUZE ANS DE SÉJOUR

mara, dans le Fouogara, à une petite journée de nous. Transporté de joie à cette nouvelle, il me pressa vivement de profiter de l’occasion pour faire la connaissance d’un prince aussi puissant, son ami, disait-il, et un des hommes les plus accomplis de l’Éthiopie. Mais j’étais désireux de regagner Gondar, car il était bruit que la caravane pour l’Innarya se mettait enfin en mouvement ; d’ailleurs, le Dedjadj Guoscho devait être prévenu contre moi. Environ deux mois auparavant, sur le rapport exagéré des cures que j’opérais à Gondar, il m’avait fait prier de venir traiter son fils aîné, frappé depuis longtemps d’une espèce d’aliénation mentale, et, afin de me débarrasser plus tôt des instances de ses messagers, j’avais omis de leur offrir l’hospitalité, ce qui était un manque d’égards envers lui. J’engageai le Lik à l’aller voir et à me laisser rentrer à Gondar.

— Je suis vieux, me dit-il ; j’ai fait bien des routes dans ma vie, sans jamais abandonner un compagnon, pour tenter à moi seul une aventure agréable ; je ne veux pas commencer aujourd’hui. Qui a compagnon a maître ; puisqu’il te faut aller à Gondar, allons-y. Tout n’arrive-t-il pas avec la permission de Dieu ?

Chemin faisant, mon drogman, peu suspect de partialité pour le Lik, fut touché de sa résignation, et me fit observer que c’était presque malheureux cette fois d’avoir eu raison de lui, car tout en se faisant fête de saluer un ami dans le Dedjadj Guoscho, il avait espéré obtenir de lui quelques secours pécuniaires. Je m’empressai de dire à mon indulgent Mentor que s’il lui répugnait tant de me laisser rentrer seul, moi, je manquerais toutes les carava-