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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

toire Sainte, passa au Bas-Empire et aboutit à l’éloge de la valeur française, reconnaissant, il est vrai, que la Bible ne mentionne notre nation que d’une façon fort obscure ; mais, pour confirmer son dire, il offrit de faire venir à Dabra Tabor une femme très-âgée, esclave en Égypte à l’époque du débarquement du général Bonaparte, femme connue, disait-il, pour son discernement et sa véracité. La princesse, quoique peu convaincue, se tint pour satisfaite ; et le Lik me dit en arabe :

— Mettez le feu à une solive, il en sortira une flamme ; mais prêchez-la, il n’en résultera rien.

La Waïzoro me fit des questions sur les Françaises, mais ne s’intéressa que faiblement au récit de nos usages et de nos mœurs. Elle regretta qu’on nous eût refusé la porte du Ras, nous donna une de ses suivantes pour nous introduire chez lui, et nous dit de revenir auprès d’elle sitôt notre visite faite.

Nous retournâmes chez le Ras. Les huissiers ne voulurent rien entendre ; la suivante de la Waïzoro entra seule et revint bientôt, accompagnée d’un page chargé de m’introduire avec mon drogman seulement. Le Lik, me voyant contrarié de son exclusion si formelle, me dit :

— Ne t’en préoccupe pas ; entre ; sois réservé, observe tout, et tu comprendras que je ne perds rien à rester dehors.

Je trouvai le Ras assis sur un tapis persan, devant quelques tisons qui fumaient au milieu de la pièce parsemée de fanes odorantes ; une vingtaine de favoris étaient debout autour de lui. Il avait les beaux yeux de sa mère, le front étroit, pauvre, les traits agréables d’ailleurs, rien qui fît présumer une