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DOUZE ANS DE SÉJOUR

conversaient par groupes : leurs toges fines et blanches, les couvraient de la tête aux pieds ; leur maintien annonçait l’aristocratie : c’étaient les maîtres de ce monde bruyant laissé au dehors. Tous portèrent les yeux sur nous, mais avec une curiosité polie. Nous nous assîmes par terre, et le Lik envoya un de ses suivants parlementer avec l’huissier de faction à la porte de la deuxième enceinte, afin qu’il fît prévenir le Ras de notre arrivée. J’eus tout le temps d’observer : quelques-uns des personnages avaient les traits d’une distinction remarquable ; presque tous, l’allure assurée que donne l’habitude du commandement. On me désigna les plus notables : quelques Dedjazmatchs et quelques chefs de bandes nombreuses ; les huissiers leur témoignaient une déférence particulière. Les autres chefs entraient seuls, le sabre au côté ; mais eux étaient admis avec quelques suivants, un servant d’armes tenant leur bouclier et leur javeline, et un page portant à l’épaule leur sabre enveloppé d’une housse écarlate. Tous ces chefs, grands et petits, étaient occupés à faire leur cour, qui consistait à envoyer par les huissiers leurs civilités au Ras. Les plus zélés y passaient la journée ; les autres s’y présentaient matin et soir, pour lui faire souhaiter bonne journée et bonne nuit. Lorsque l’armée était dispersée depuis quelque temps, les vassaux directs du Ras se rendaient pour une quinzaine de jours à Dabra-Tabor, afin de se retremper à l’air de la cour, ou pour hâter la solution de quelque procès ou de toute autre affaire pendante.

Cependant, les huissiers ne faisaient aucun cas de nous ; une grande heure durant nous attendîmes en vain un mot du Ras. Le Lik Atskou