— Cette fois, dit-il, je leur dirai que c’est ma visite de congé, car je ne peux tarder à être recueilli auprès de mes pères.
Depuis quelques années, toute la politique de la haute Éthiopie reposait principalement sur deux personnages : la Waïzoro Manann et le Dedjadj Oubié.
La Waïzoro Manann ayant perdu son mari, le Dedjadj Aloula, pendant la première enfance de leur fils Ali, vivait dans un état voisin de la gêne, lorsqu’à la mort du Ras Marié, de la famille de Gouksa, tué dans une bataille en Tegraïe, Ali, son héritier légitime, fut proclamé Ras par les grands feudataires ; et comme il n’avait que treize ans, il fut soumis à un conseil de régence, sous la direction du Dedjadj Ahmédé, Polémarque du Wora-Himano et parent de la Waïzoro ; mais cette dernière sut, par ses manœuvres, désunir le conseil et s’arroger l’autorité souveraine, au nom de son fils. En quelques circonstances, les membres du conseil se concertaient encore ; leur opposition prévalait rarement, mais servait du moins à tempérer le pouvoir de la vindicative usurpatrice. Peu après l’avénement de son fils, elle prit pour époux le Dedjadj Sahalou, Polémarque sans importance, mais cité pour la distinction de ses manières et son esprit conciliateur ; elle en avait eu trois enfants et venait de le perdre. Cupide, avare, astucieuse, violente, ambitieuse, despote, vaniteuse et coquette, elle passait pour ne reculer devant aucun moyen ; on l’accusait même d’avoir donné à son fils Ali des breuvages magiques, afin de prolonger son enfance intellectuelle.
Ali touchait à sa vingt-deuxième année et n’avait encore manifesté de goût que pour la chasse, le jeu de mail et le jeu de cannes. Exceller à la