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DOUZE ANS DE SÉJOUR

voilées, sont souvent d’une rare beauté et d’une très-grande élégance de formes. Alléchée par l’appât du gain, cette population consent à vivre sur cette île stérile et brûlante, où elle ne tarderait pas sans doute à diminuer si des étrangers, aventuriers du négoce, ne venaient s’y fixer. La garnison variait de 50 a 80 soldats ; elle comptait dans son sein quelques sujets indisciplinables que les Pachas de l’Yémen et de l’Hedjaz y envoyaient dans l’espoir que le climat et les maladies les en débarrasseraient complétement.

En débarquant, nous fîmes visite au gouverneur : il nous accueillit le plus poliment du monde et nous procura un logement. Le lendemain, nous lui présentâmes notre firman et nos lettres de recommandation, qui, du reste, ne pouvaient ajouter aux attentions qu’il avait déjà pour nous.

Ce gouverneur, dépendant du pacha de l’Hedjaz, se nommait Aïdine ; on lui donnait le titre d’Aga et parfois celui de Kaïmacam, ou lieutenant-colonel ; son autorité était illimitée dans l’île ; mais il n’en était pas de même sur la terre ferme, ou un naïb (lieutenant) investi par le pacha de Djeddah, servait de transition équivoque entre l’autorité de Moussawa et les tribus des Sahos qui vivent dans les basses-terres s’étendant entre la mer et les premiers plateaux du Tigraïe. Ces naïbs devaient être choisis parmi les descendants malheureusement dégénérés d’une famille de colons turcs et belaw établie dans ce pays depuis plusieurs siècles. C’était au naïb qu’il fallait s’adresser afin de se procurer des chameaux et des guides pour gagner Adwa. Il habitait Dohono, village situé en terre ferme sur le bord de la mer, à environ une heure de marche de la jetée de Guérar. Nous préférâmes y aller par mer, et le gouverneur nous donna son canot.