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DOUZE ANS DE SÉJOUR

Tekla-Haïmanote ou de Notre-Dame-de-Miel (la Sainte Vierge).

Les ecclésiastiques, en toge bien nette et en turban blanc, s’empressent vers leurs églises, où les clercs chantent déjà les offices à tue-tête. Les enfants sortent des écoles en criant. Aux divers plaids, les avocats plaident leurs derniers moyens, s’efforcent de retenir encore l’assemblée ; les juges s’empressent de prononcer la sentence ou la remise à huitaine. Le travail cesse partout. Sur les chemins qui conduisent à la ville, on voit arriver les voyageurs à pied, à cheval, et des femmes à la file, courbées sous des charges de ramilles ou de petit bois qu’elles ont passé la journée à ramasser. Le tintement des cloches annonce la fin des offices ; les rues se dépeuplent ; chacun s’est réfugié chez soi, pour y prendre sa première gorgée, son premier morceau. Il est quatre, cinq ou même six heures du soir. Les animaux reviennent des pacages et se dispersent joyeusement pour rentrer au logis, les bêtes de somme hennissant, les vaches beuglant à l’approche de leur géniture.

Tels sont les derniers bruits de la journée. Quelquefois, une bande de soldats arrive en logement : les habitants rentrent et barrent leurs portes ; la rue reste aux étrangers et à ceux qui se sentent disposés à la querelle.

Les premières clameurs partent ordinairement des maisons des courtisanes ou de celles des femmes qui débitent le bouza ou l’eau-de-vie ; les gens du Kantiba tentent quelquefois de rétablir l’ordre, mais lorsque les étrangers sont trop nombreux ou qu’ils relèvent de quelque favori du Ras, on les laisse s’arranger avec les habitants.