Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
DOUZE ANS DE SÉJOUR

indigènes prétendent que le mot gondar n’est autre que le mot Tegraïen, qui signifie ténia ; les savants gondariens repoussent avec indignation cette étymologie et font observer que dans l’idiome Félacha, encore parlé dans quelques villages aux environs de la ville, dar signifie gouvernement et gon, côte. À l’appui de cette explication, ils comparent à un os costal le prolongement montueux qui, partant du mont Atanaguer, s’avance vers le S. en dominant la plaine de Dambya, dont il est séparé par les ruisseaux Angareb et Kaha, lesquels se joignent au Magatch, un des principaux tributaires du lac Tsana. C’est sur le sommet plat de ce prolongement que Gondar est assise, avec ses dix-neuf églises ; les indigènes affirment qu’elle en contient quarante-quatre, mais ils comptent celles des faubourgs presque abandonnées et toutes du côté de l’Est. De quelque côté que l’on arrive, on ne découvre Gondar que lorsqu’on en est déjà près. Les hauts murs blafards du palais impérial frappent d’abord la vue ; le ton bistré des maisons basses et couvertes en chaume, les larges espaces hérissés de ruines, les églises blotties çà et là, dans leurs bosquets d’arbres élancés et verts, le ciel toujours bleu, l’atmosphère limpide, les alentours nus et accidentés, tout concourt à donner à la ville une physionomie attrayante, paisible et réjouie, malgré son délabrement. Le sol rocheux et couvert de pierres n’offre aucun vestige de ces travaux habituels en Europe, dans les centres populeux, tels que fontaines, aqueducs, égouts, enceintes, places régulières, promenades et édifices décoratifs ; il est raviné par les eaux pluviales ; la nature de ses rugosités dénote partout que des mains industrieuses n’ont jamais cherché à le mo-