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DOUZE ANS DE SÉJOUR

diviser ; l’ignorance s’était accrue et le peuple éthiopien, doué d’un instinct religieux vivace, s’était partagé en trois sectes principales, sur les rivalités desquelles s’étaient entées plus tard les rivalités politiques. C’est ainsi que le clergé a attisé les guerres civiles, ébranlé dans l’esprit du peuple le respect de son enseignement, et qu’en portant atteinte à son propre prestige par les irrégularités de sa conduite, suite immanquable de son indiscipline et du désordre des pouvoirs sociaux, il s’est privé de la force nécessaire pour empêcher qu’il ne s’introduisît dans les mœurs certaines tolérances contraires à la moralité de la famille, qui défigurent aujourd’hui la physionomie chrétienne de ce peuple. Mais une réunion d’hommes ne commande pas longtemps les vertus, sans les pratiquer elle-même. Le clergé aurait sans doute perdu tout prestige comme l’Empire, s’il n’eût produit une succession d’hommes d’élite, défenseurs sincères du bien, représentants des plus hautes vertus cléricales et civiles, qui lui ont maintenu jusqu’aujourd’hui une certaine autorité, la seule qui ait survécu aux désastres, et autour de laquelle se groupent encore les éléments de la vie sociale. C’est lui qui recueille dans ses maisons, et sous le porche de ses églises, les malades, les infirmes et les blessés ; qui amène les réconciliations et préside aux traités de paix ; qui se montre presque partout le champion de l’opprimé et fait entendre aux puissants des avertissements salutaires. Il prodigue, il est vrai, les excommunications, au point d’en atténuer l’effet, mais il ne cesse du moins d’entretenir le culte du droit, de la justice et de la morale, et de sonner le tocsin en leur nom.

Pendant que le Tegraïe, le Bégamdir, l’Idjou, le