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DOUZE ANS DE SÉJOUR

nié jusqu’à la propriété et n’avaient plus devant eux qu’une nation émiettée, qui ne leur offrait plus aucun appui contre les partis. Comme pour précipiter l’agonie de l’Empire, des tribus Ilmormas s’enhardirent et entamèrent les frontières au S.-E., prirent pied et s’étendirent rapidement dans le Wollo et dans le grand Damote, pendant que de tous côtés les autres frontières se morcelaient au profit de peuplades païennes ou musulmanes.

Les Atsés devinrent le jouet de leurs Polémarques, dont la plupart tenaient à la famille impériale par le sang ou par leurs alliances. Déshabitués depuis longtemps de présider à la guerre, du fond de leur palais de Gondar, ils faisaient insidieusement ressurgir le fantôme des libertés communales et s’ingéniaient à opposer entre eux l’aristocratie, le clergé et les Dedjazmatchs, dont ils subissaient de plus en plus les insolences croissantes. Enfin un Ras ou Polémarque du Tegraïe vint à Gondar avec son armée, détrôna l’empereur Joas, le fit étrangler et intronisa son successeur. Pendant quelques années encore les Ras, Dedjazmatchs et Polémarques de tous grades s’entreheurtèrent autour du palais impérial, intronisant et détrônant leurs créatures.

Vers la fin du dernier siècle, un flot victorieux porta l’Atsé Tekla Guiorguis sur le vieux trône : il s’y cramponna et jeta la confusion parmi ses adversaires. On put croire qu’il ferait revivre le prestige de sa famille : son intelligence cultivée, les charmes de sa personne, son audace et ses libéralités lui acquirent pendant quelque temps une prépondérance incontestable. Le peuple, qui voyait avec chagrin l’humiliation de son antique famille souveraine, espérait qu’il ferait appel aux anciennes constitu-