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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

leur profit sur les parties qui avaient recours à la justice coutumière, laquelle se rendait gratuitement, les frais et coûts qu’eût amenés le fonctionnement de la justice impériale.

Les Atsés maintinrent l’incarcération perpétuelle des agnats impériaux ; ils s’habituèrent à continuer d’année en année le pouvoir aux princes cognats : pour plusieurs même, ils laissèrent s’établir une sorte d’hérédité. Pour mieux assurer leur pouvoir en augmentant l’influence de leur famille, ils établirent que les princesses de leur sang conféreraient la noblesse à leurs maris, ainsi qu’à leurs enfants. Le mariage civil et soumis au divorce prévalait de plus en plus ; l’émancipation légale de la femme avait accru les désordres dans les familles ; les princesses impériales surtout donnaient les plus scandaleux exemples d’immoralité, se mariaient et se démariaient, et finissaient par se contenter du concubinat. Les enfants issus de ces associations étant dépourvus d’apanages proportionnés à leur noblesse, avaient recours aux libéralités du souverain. Les décorations, les titres surtout se multiplièrent, perdirent leur prestige, et propagèrent à la fois l’insolence et le servilisme. Sur plusieurs points de l’Empire, les communes aidées de leurs fidèles alliés, le clergé et l’aristocratie des campagnes, entreprirent encore une fois la revendication de leurs droits. Elles furent réprimées cruellement et perdirent leurs dernières franchises. Tous les pouvoirs dépendirent du caprice impérial ; la hiérarchie ne fut plus que fictive ; une égalité servile régna pour tous.

Mais en vertu de ce principe qui veut que les pouvoirs accumulés s’altèrent et communiquent leur corruption à leurs dépositaires, les Atsés se