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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

livra avec fureur aux dissensions théologiques. Les dissidents s’appuyèrent sur des partis de mécontents : des guerres civiles éclatèrent, au nom de la religion ; les répressions, envenimées par l’esprit de secte, atteignirent tous les excès de la barbarie, et, ces lugubres répressions accomplies, les Empereurs se faisaient gloire de convoquer des conciles ou des synodes et de décider en maîtres des questions du dogme. La nation était exténuée ; les Empereurs ivres d’orgueil. Il y a trois siècles environ, l’un d’eux, après avoir vu défiler pendant plusieurs jours ses armées, à la revue annuelle, s’écria : « Le monde entier ne me peut pas ! » et il pria Dieu publiquement de lui envoyer un ennemi qui fût à sa taille !

Pendant toutes ces discordes, quelques provinces situées aux extrémités de l’Empire s’en étaient détachées ; entre autres, la province de Harar, située au S.-E. ; elle avait adopté l’Islamisme et s’était donné un roi. Dans la seconde moitié du seizième siècle, un simple cavalier du nom d’Ahmed, au service de ce petit souverain, prit la campagne avec quelques compagnons, comme rebelle contre son prince qu’il accusait d’un passe-droit. Il détroussa les caravanes, arrêta les voyageurs, pilla des hameaux écartés, et sa troupe s’augmenta. Redoutant pour ses méfaits la vengeance de ses compatriotes, il s’éloigna et s’en fut rôder sur les frontières de l’Empire. Il surprit et battit en plusieurs rencontres les troupes du Méridazmatch ou Polémarque du Chawa, qui, s’étant mis lui-même en campagne, fut surpris, vaincu et tué. Les troupes d’Ahmed grossissaient à chaque succès. Pour protéger le Chawa, l’Empereur envoya une armée ; Ahmed la défit en bataille rangée et tua de sa