sait une désignation pareille. Aujourd’hui encore, la coutume rend doublement responsable le citoyen qui refuse d’exercer ainsi le pouvoir judiciaire : il est responsable envers l’ayant-droit d’abord des restitutions et dommages-intérêts auxquels eût été condamné le défendeur, et passible même des peines encourues par l’accusé ; il a à répondre, en outre, de son fait de déni de justice. Comme on le voit, c’est l’institution du jury, mais d’un jury responsable, portée à sa dernière limite et fondée sur cette idée, que la notion de la justice n’est point le privilége exclusif des élus de la science judiciaire, mais un attribut de chaque homme, inséparable de sa conscience, et que c’est porter atteinte à cette conscience que de frapper d’interdit sa principale manifestation.
Ce régime judiciaire établit entre les citoyens une solidarité continuelle, soumet la justice à leur contrôle permanent, les porte à connaître leurs droits et leurs devoirs, leur permet de passer toujours par le jugement de leurs pairs véritables, et la loi puise incessamment une sanction et une force nouvelles dans la raison et la conscience publique dont elle suit graduellement les progrès.
Quant à cette obligation de rendre la justice, les Éthiopiens disent qu’elle est pour tout citoyen aussi impérieuse que celle de défendre le pays en danger, l’injustice étant de tous les ennemis le plus redoutable.