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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

comparaître le chef des Maugrebins, instruisit l’affaire, et dit, en voyant l’égratignure de Domingo :

— C’est dommage que ce ne soit pas une bonne blessure ; cela m’eût permis de faire un exemple. ― Et se tournant vers son chaouche : ― Qu’on donne au drôle cent coups de bâton !

À cet arrêt, le Maugrebin, qui était fils d’un kaïd de l’Algérie, exhiba pour la première fois son passeport français.

L’agent français, ayant été mandé, dit au Bey qu’il ne pouvait autoriser la bastonnade. Heusseîn Bey allégua que nous étions munis d’un firman du vice-roi, et que si le gouvernement français était trop bénin envers ses sujets Maugrebins, il n’entendait point agir de même. Nous intervînmes aussi, mais nous ne pûmes obtenir que la diminution d’une moitié de la peine.

Sur un signe du Bey, quatre hommes étendirent le condamné par terre ; le Bey, comme pour apaiser son humeur, lui appliqua vigoureusement les premiers coups et passa le rotin à un de ses soldats qui, acheva consciencieusement la besogne.

Le Bey nous retint à dîner, nous engagea à frêter le bugalet en entier et surtout à n’admettre à notre bord aucun pèlerin. ― Nous suivîmes son conseil, et un vent favorable nous conduisit en six jours à Djeddah.

Là, mon domestique égyptien, Ali, effrayé des dangers d’un voyage en Éthiopie, nous quitta pour s’en retourner au Caire. Quant à nous, après quelques jours passés en compagnie de notre consul, l’aimable et savant M. Fresnel, nous nous embarquâmes le 11 février 1838, et le 17, nous abordions à l’île de Moussawa.

Les habitants de cette île n’avaient vu qu’un très-