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DOUZE ANS DE SÉJOUR

le siége de l’Empire sur plusieurs points de leur territoire. Selon les Éthiopiens, leur première capitale aurait été dans la contrée qu’occupent aujourd’hui les Ilmormas, dits Gallas-Azabos ; c’était le temps de la splendeur de la ville d’Adoulis, emporium du commerce entre l’Égypte et les pays que baignent les mers des Indes et de la Chine. La capitale de l’Empire fut ensuite transférée à Aksoum. Jusqu’alors, la nation avait professé la religion judaïque ; c’est à Aksoum, qu’au quatrième siècle de notre ère, l’Empereur régnant, ainsi qu’une partie de sa famille, auraient adopté le Christianisme que leur apportait Frumentius. Les princes restés fidèles au Judaïsme soulevèrent plusieurs provinces contre l’Empereur, apostat à leurs yeux. Après avoir longtemps désolé le pays, les guerres de religion se terminèrent par la réduction finale des partisans du culte primitif, qui se réfugièrent, dit-on, dans les montagnes du Samen, où ils purent pratiquer leur religion et la transmettre à leurs descendants pendant une longue suite de générations. Depuis cette époque reculée, il existe en Éthiopie une loi coutumière, qui interdit à tout juif de posséder terre ou maison, de séjourner même à l’orient du Takkazé. Aujourd’hui encore, les quelques représentants dégénérés de ces antiques vaincus, dispersés sous le nom de Fellachas, et qui n’ont plus pour religion qu’un judaïsme défiguré, subissent cette loi ; et malgré l’état désordonné de la propriété dans toutes les provinces entre le Takkazé et la mer Rouge, malgré la facilité relative d’y acquérir des terres, aucun fellacha ne songerait à s’y établir, comme aucune commune n’y consentirait au mépris de cette interdiction antique.