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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

il s’était distingué par sa bravoure, et n’avait quitté son drapeau qu’après la défaite entière du parti de Don Miguël. Je l’avais trouvé au Caire, à bout de ressources et sur le point de se faire musulman : deux beys s’acharnaient à le convertir ; lui ne cherchait qu’aventures. Afin de lui épargner une apostasie, nous l’engageâmes aussi à nous accompagner, et il se joignit à nous.

Mon frère revenait du Brésil, où il avait été chargé par l’Académie des sciences de faire des observations sur le magnétisme terrestre. Son domestique basque, Domingo, l’avait suivi pendant ce voyage.

Nous arrivâmes sans incident à Kouçayr, sur la côte occidentale de la mer Rouge.

C’était l’époque du passage des pèlerins qui vont à La Mecque ; aussi, ne trouvant pas à nous loger en ville, dûmes-nous camper sur la grève et faire bonne garde, la nuit, à cause des maraudeurs bédouins.

Issah, agent consulaire français, le seul chrétien catholique de la ville, venait d’être père d’une fille ; il demanda à mon frère d’être le parrain de son enfant, et cela établit entre nous des relations agréables. Nous fûmes bien accueillis aussi par Heussein Bey, gouverneur de Kouçayr. Il avait servi en Grèce pendant plusieurs années, s’était trouvé en face de nos soldats et avait conçu une haute estime pour les Français.

Tous les bâtiments en partance se trouvaient déjà frêtés par les pèlerins ; la dunette d’un bugalet non ponté, d’environ 50 tonneaux, nous offrait seule une chance de passage. Nous y fîmes embarquer nos bagages et nos compagnons, et nous allâmes, mon frère et moi, faire nos adieux au gouverneur. Mais en retournant à bord, nous trouvâmes tout en tumulte : les pèlerins Maugrebins voulaient loger leurs femmes sous notre dunette, et notre compagnon anglais s’efforçait