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Agnès. — Non ; apprends-moi ce que tu en sais.

Angélique. — La sœur Cécile est une religieuse de l’ordre de saint Augustin, et le père Raymond était pour lors provincial des jacobins. Je ne te dirai point de quelle manière il s’insinua dans l’esprit de cette innocente, qui avait été inaccessible à tout autre auparavant ; mais tu sauras seulement qu’il se l’acquit tellement que jamais amitié n’a été plus étroite, et ils ne pouvaient être un moment sans se voir ou sans recevoir des nouvelles l’un de l’autre. On s’aperçut dans la communauté de cet engagement, et le provincial augustin qui gouvernait cette maison, en ayant eu avis, fut au désespoir, parce que jamais il n’avait pu rien faire auprès d’elle, quoiqu’il eût tâché par toutes sortes de moyens de la corrompre. C’était la plus belle du monastère. Étant ainsi choqué au vif, il écrivit à la supérieure et lui donna ordre d’avoir les yeux sur les comportements de Cécile. Il fut facile à cette gardienne de découvrir bientôt quelques sottises, parce que personne ne se tenait sur ses gardes ; ce n’était néanmoins que des badineries, mais c’en était toujours assez pour donner lieu à un jaloux, qui avait le pouvoir en main, de maltraiter une pauvre religieuse. Il n’en forma pourtant pas le dessein, mais se proposa de se servir de cette occasion pour avoir d’elle ce qu’il n’en avait pu obtenir auparavant. Il lui écrivit à elle-même, afin de ne point éclater, et lui défendit la grille jusqu’à son arrivée. Il était éloigné de vingt lieues