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lettres de notre abbesse qui m’assuraient que, quelque chose que je fisse, je ne pouvais marcher que sur ses pas. Elle a passé des nuits entières avec lui, et ne le traite dans ses billets que d’abbé de Beaulieu. Je lui représentai que la grille était un obstacle insurmontable, et qu’il fallait de nécessité qu’il se contentât de légères badineries, puisqu’il était impossible d’aller plus avant. Mais il me fit bien connaître qu’il était plus savant que moi, et me fit voir deux planches qui se levaient, une de son côté et l’autre du mien, et qui donnaient passage suffisant pour une personne. Il me dit que c’était par son conseil que madame avait fait disposer cela de la sorte, qu’elle l’avait nommé le détroit de Gibraltar, et qu’elle lui disait, un jour, qu’il ne fallait pas se hasarder à le passer sans être bien muni de toutes choses nécessaires, particulièrement si on avait dessein de s’arrêter aux colonnes d’Hercule. Après donc plusieurs contestes de part et d’autre, l’abbé passa la détroit et arriva au port, où il fut reçu, mais ce ne fut pas sans peine, et seulement après qu’il m’eut assurée que son entrée n’aurait point de mauvaises suites. Je lui permis autant de séjour qu’il en fallait pour le rendre heureux ; c’était le septième du mois d’août, qui était un jour que madame avait coutume d’employer dans de grandes cérémonies, mais que son indisposition l’avait obligée à remettre jusqu’au mois prochain ce qu’elle observait ordinairement dans celui-ci. Il