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le nombre, travaillent jour et nuit, par leurs austérités et pénitences, à dompter l’orgueil et l’insolence de la nature ; elles exercent sur leurs sens une violence qui dure toujours ; sans mourir, leur âme est séparée de leur corps, et méprisant également la douleur et la volupté, elles vivent comme si elles n’étaient faites que du seul esprit. Ce n’est pas tout, poursuivit-il d’un ton persuasif, elles font un sacrifice rigoureux de leur liberté, elles se dépouillent de tous leurs biens pour s’enrichir seulement d’espérances et s’imposent par des vœux solennels la nécessité d’une perpétuelle vertu.

Agnès. — C’était un maître orateur que ce disciple de Loyola : je souhaiterais le connaître.

Angélique. — Tu le connais bien, et je t’apprendrai de petites particularités de sa vie qui te feront croire qu’il fait plus d’un personnage. Mais il faut que je t’achève le reste. — Voilà, mademoiselle, bien des chaînes, des rigueurs et des mortifications que je vous présente ; mais, le croiriez-vous ? me dit-il, ces saintes âmes dont je vous parlais présentement sont glorieuses de ce joug, elles sont vaines de cette servitude, et il ne s’offre point de rude peine à souffrir, qu’elles n’estiment une grande récompense ; elles font toutes leurs amours et leur passion du service de Jésus-Christ ; c’est lui seul qui les met tout en feu, pour peu qu’il les touche ; c’est lui qui est l’unique maître de leur cœur, et qui sait faire succéder à leurs peines des joies et des douceurs incroyables.