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et nous sépare tellement du monde, que nous n’en faisons plus une partie. Tu conçois bien tout ceci ?

Agnès. — Oui, mais d’où vient que cette maudite politique, qui de libres nous rend esclaves, approuve davantage les règles qui n’ont rien que de rude et d’austère que celles qui sont moins rigoureuses ?

Angélique. — En voici la raison. Elle regarde les religieux et religieuses comme des membres retranchés de son corps et comme des parties séparées dont la vie ne lui semble en particulier utile à aucune chose, mais bien plutôt dommageable au public. Et comme ce serait une action qui paraîtrait inhumaine que de s’en défaire ouvertement, elle se sert de stratagèmes, et sous prétexte de dévotion, elle engage ces pauvres victimes à s’égorger elles-mêmes, et à se charger de tant de jeûnes, de pénitences et de mortifications, qu’enfin ces innocentes succombent et font place, par leur mort, à d’autres qui doivent être aussi misérables, si elles ne sont pas plus éclairées. De cette manière, un père est souvent le bourreau de ses enfants, et sans y penser il les sacrifie à la politique, lorsqu’il croit ne les offrir qu’à Dieu.

Agnès. — Ah ! pitoyable effet d’un détestable gouvernement ! Tu me donnes la vie, ma chère Angélique, en me retirant par tes raisons du grand chemin que je suivais. Peu de personnes met-