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Non, non, mon enfant, je veux te faire part de mes plus secrètes habitudes, et te donner une idée parfaite de la conduite d’une sage religieuse. Je ne parle pas de cette sagesse austère et scrupuleuse qui ne se nourrit que de jeûnes, et ne se couvre que de haires et de cilices ; il en est une autre moins farouche, que toutes les personnes éclairées font profession de suivre, et qui n’a pas peu de rapport avec ton naturel amoureux.

Agnès. — Moi, d’un naturel amoureux ! Il faut certes que ma physionomie soit bien trompeuse, ou que vous n’en sachiez pas parfaitement les règles. Il n’y a rien qui me touche moins que cette passion, et depuis trois ans que je suis en religion, elle ne m’a pas donné la moindre inquiétude.

Angélique. — J’en doute fort, et je crois que si tu voulais en parler avec plus de sincérité, tu m’avouerais que je n’ai rien dit que de véritable. Quoi ! une fille de seize ans, d’un esprit aussi vif et d’un corps aussi bien formé que le tien, serait froide et insensible ? Non, je ne puis me le persuader : toutes tes démarches les plus négligées m’ont assurée du contraire, et ce je ne sais quoi que j’ai aperçu au travers de la serrure de ta porte, avant que d’entrer, me fait connaître que tu es une dissimulée.

Agnès. — Ah Dieu ! Je suis perdue !

Angélique. — Certes, tu n’es pas raisonnable. Dis-moi un peu ce que tu peux appréhender de