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ce pas une fleur qui tire tout son prix d’une fragilité sans retour ? un petit trésor qu’on ne recherche avec tant de soucis que parce qu’il périt aussitôt qu’on le possède ? un bijou de peu de durée qui se détruit par le premier usage qu’on en fait ?

Ah ! ma chère Séraphique, si nous ne pouvons changer l’état de la nature si stable dans son instabilité, prenons-la comme elle est. Accommodons-nous à ses lois, puisqu’elle ne peut s’accommoder à nos vœux. Encore si les hommes pouvaient tout ce que nous pouvons, nous ne serions pas tant à plaindre que nous le sommes ; mais, hélas ! si l’un est toujours fendu, il s’en faut beaucoup que l’autre soit toujours tendu, et nous n’éprouvons que trop souvent que leur appétit finit là où le nôtre commence, qu’ils sont déjà usés lorsque nous sommes encore toutes neuves, et qu’ils sont bien plus vaillants dans les travaux de Mars que dans les travaux de Vénus.

Séraphique. — Eh ! de grâce, ma petite chère, où as-tu pulsé une si belle morale ?

Virginie. — Je te l’ai déjà dit, ma mignonne, dans le sein même de la nature, dans le grand livre des expériences et dans mes propres réflexions. C’est là proprement l’arbre de science, du bien et du mal. C’est là qu’une jeune sibylle telle que moi peut trouver, en interrogeant sa raison, ses sens et ses sentiments, les oracles que je te débite avec tant de suffisance. C’est de là que la nymphe