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telles parce que c’est le non plus outre de ce que nous pouvons accorder aux hommes, mais parce que trop souvent, lorsqu’ils ont pressé l’orange, ils la jettent, ou qu’après avoir bu ils tournent le dos à la fontaine.

Tu t’étais peut-être figuré jusqu’ici que la mesure du plaisir est proprement de n’en point avoir, de le pousser jusqu’à l’excès, de s’y plonger comme dans un fleuve ou dans un océan, sans retenue, sans bornes et sans limites ; qu’il n’est rien tel que de jouir des délicieux objets qui s’abandonnent à notre jouissance. Mais, erreur, abus, débordement funeste. La nature s’épuise ; les forces s’affaiblissent, la vigueur succombe. Cette nature avide et insatiable peut bien toujours fournir des désirs, mais non pas toujours des plaisirs.

De là j’infère que, dans les délices de l’amour, il faut beaucoup de ménagement, non seulement pour la santé, mais encore pour la volupté ; que les intermèdes de repos nous y préparent, par la réparation de nos forces, à des reprises de tendresse qui conservent toujours la grâce de la nouveauté ; que ses plaisirs sont d’autant plus vifs et plus piquants qu’ils sont moins souvent réitérés ; que la satiété en émousse la pointe et en empoisonne la délicatesse. Et, de fait, ne voit-on pas que deux corps qui tombent dans la langueur à force de s’épuiser ne sont plus capables que d’efforts bien languissants ? Il n’est, comme on parle, telle sauce que d’appétit. C’est l’échalote d’un bon