Page:Abbé du Prat - Vénus dans le cloître ou la Religieuse en chemise, 1920.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle reconnut enfin les traces fraîches d’un homme, et nous ayant fait voir ce bel étalage : « Vous voyez bien, nous dit-elle, que le loup est entré dans la bergerie ! Il ne faut que le chercher : il ne saurait nous échapper, car j’ai les clefs de toutes les portes, et les murailles sont si hautes qu’il ne saurait y grimper. » Ce discours nous fit frémir, et particulièrement Pasithée, qui y avait le plus d’intérêt. Néanmoins, faisant effort sur elle-même, elle soutint qu’aucun homme n’était entré dans sa chambre. « Vous dites donc que c’est une femme, lui dit l’abbesse, car vous ne pourrez pas nier qu’une personne tout en chemise ne soit sortie de votre chambre, il n’y a pas un quart d’heure, puisque je l’ai vue moi-même. — Il est vrai, dit-elle, mais c’était Marine, qui, m’ayant servie dans ma dernière maladie, comme sœur Catherine sait très bien, venait voir comme je me portais, car elle m’avait ouï plaindre tout le jour. — Eh bien ! dit l’abbesse, je crois ce que vous me dites ; mais cependant nous verrons si cette Marine n’est pas quelque monstre marin qui cherche la chair humaine, semblable à celui qui me fit tant de peur il y a quelques nuits. » Ces dernières paroles achevèrent d’accabler sœur Pasithée, quoique madame eût dit cela au hasard, et qu’il ne pût pas lui venir dans l’esprit que Marine fût un homme. Après cela, ne donnant pas le temps à Pasithée de s’habiller, non plus qu’à nous, elle lui commanda de nous suivre, et marchant toujours la première,