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personnes qui s’aiment véritablement se baisent, enlaçant amoureusement la langue entre les lèvres de l’objet qu’on chérit : pour moi je trouve qu’il n’y a rien de plus doux et de plus délicieux, quand on s’en acquitte comme il faut, et jamais je ne le mets en usage que je ne ressente par tout mon corps un chatouillement extraordinaire et un certain je ne sais quoi que je ne te puis exprimer qu’en te disant que c’est un baiser qui se répand universellement dans toutes les plus secrètes parties de moi-même, qui pénètre le plus profond de mon cœur, et que j’ai droit de le nommer un abrégé de la souveraine volupté. Et toi, tu ne dis rien ! quel sentiment t’a-t-il causé ?

Agnès. — Ne te l’ai-je pas assez fait connaître, quand je t’ai dit que tu me mettais toute en feu ? Mais d’où vient que tu appelles ces sortes de caresses un baiser à la Florentine ?

Angélique. — C’est parce qu’entre les Italiennes, les dames de Florence passent pour être les plus amoureuses et pour pratiquer le baiser de la manière que tu l’as reçu de moi. Elles y trouvent un plaisir singulier, et disent qu’elles les font à l’imitation de la colombe qui est un oiseau innocent, et qu’elles y rencontrent je ne sais quoi de lascif et de piquant, qu’elles n’éprouvent point et ne goûtent pas dans les autres. Je m’étonne comment l’abbé et le feuillant ne t’apprirent point cela pendant ma retraite, car ils ont fait l’un et l’autre le voyage d’Italie, et apparemment s’y sont