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rendre sensible, quoiqu’ils aient cru souvent l’avoir découverte.

Agnès. — Mais comment conduire donc notre esprit dans une ignorance si universelle ?

Angélique. — Il faut, mon enfant, pour ne se point abuser, regarder les choses dès leur origine, les envisager dans leur simple nature, et en juger ensuite conformément à ce que nous y voyons. Il faut surtout éviter de laisser prévenir sa raison et de la laisser obséder par les sentiments d’autrui, qui ne peuvent être pour l’ordinaire que des opinions. Et il faut enfin se donner de garde de se laisser prendre par les yeux et par les oreilles, c’est-à-dire par mille choses extérieures dont on se sert souvent pour séduire nos sens, mais se conserver toujours l’esprit libre et dégagé des sottes pensées et des niaises maximes dont le vulgaire est infatué, qui, comme une bête, court indifféremment après tout ce qu’on lui présente, pourvu qu’il soit revêtu de quelque belle apparence.

Agnès. — Je conçois bien tout ceci, et je crois même qu’on peut pousser encore ton raisonnement plus loin et y comprendre bien des choses que tu en exemptes. Il faut avouer qu’il y a un extrême plaisir à t’entendre ; quand tu ne serais pas aussi belle et aussi jeune comme tu es, ton esprit seul te rendrait aimable. Donne-moi un baiser.

Angélique. — De tout mon cœur, ma plus