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Broons qui allait en guerre avec une épée de douze pieds, comme Thibaut de Champagne, et qui disait à sa femme, laquelle était une Querhoënt de basse Bretagne « Madame ma mie… »

Mais Gillot ne voulait pas savoir ce que le sire de La Motte, de Vauvert et de Broons disait à sa femme, qui était une Querhoënt de basse Bretagne. Il interrompit le frère Bruno d’un air bien honnête.

— C’est surprenant, dit-il, quel plaisir j’éprouve à vous entendre discourir !

— Alors donc, mon compère, laissez-moi poursuivre…

— Je le voudrais, mais je ne suis qu’un pauvre homme, gagé pour obéir, et mon maître est sévère.

— Revenons à notre mariage, j’y consens. Dans trois ou quatre mois Charles de France et Anne de Bretagne naîtront, si Dieu le veut. La première chose à faire, si j’ose vous donner un conseil, ce sera de les baptiser, après quoi on les mettra en nourrice. Au bout d’un an et un jour, on les sévrera. Mettons encore six mois, Mme  Anne de Bretagne dira papa en langue gaëlique, et monseigneur le Dauphin de France criera mammammammam : Ce sera le bon moment pour les accordâmes.

— Excellent frère Bruno ! fit l’homme au surcot brun en lui prenant les deux mains et d’un accent pénétré, je n’ouïs jamais âme qui vive plaisanter aussi agréablement que vous ! Et l’on peut dire que les fondements de cette grande affaire d’État auront été jetés avec beaucoup de gaïté…

— Et de légèreté, mon compère, à six cents pieds au-dessus du sol ! C’est ta hauteur du carreau de ma cellule.

— De plus en plus ingénieux et spirituel !

— Hé ! hé ! quand on s’y met, voyez-vous ! Cela me fait souvenir d’un bon mot qui m’échappa en l’année de la mort du feu roi, l’avant-veille de la Chandeleur. Donduraine, le tailleur de Villedieu, me disait…

— Écoutez, interrompit gravement Pierre Gillot, je passerais là deux semaines à vous admirer ! Je me connais ! Et je serais châtié, c’est chose certaine. Je fais donc effort sur moi-