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de Jeannine, qui ne laissait point passer une seule matinée sans visiter le tombeau de la mère.

Comme l’église, le cimetière avait un hôte, un seul : Jeannin, le mari veuf de Simonnette.

Elle s’en était allée, toute jeune et toute belle, la pauvre Simonnette, un soir de printemps, exhalant son dernier soupir avec les premiers parfums des fleurs de mai. Elle avait été femme dévouée et tendre.

Jeannin se tenait debout, sous le feuillage sombre de l’if. Sa tête était découverte ; ses cheveux blonds, que le casque ne comprimait plus, enflaient leurs boucles lustrées autour de son front pur et ferme, ou pas une ride ne se montrait. La beauté singulière de Jeannin n’avait rien d’efféminé ; sa chevelure, il est vrai, eut paré même un front de femme, mais le bronze de son mâle visage dessinait fièrement les grandes lignes de ses traits.

Franchise, force, vaillance, douceur, simplicité par trop naïve, peut-être, telle était l’expression de sa figure.

Lui aussi tournait un long et mélancolique regard vers le passé heureux.

Les mille bruits de la campagne venaient à lui sans troubler sa méditation. Il était immobile : une larme se balançait aux cils baissés de sa paupière.

Le soleil s’inclinait à l’horizon, lorsqu’il s’éveilla de ce rêve triste et bien-aimé. Il baisa le pauvre nom de Simonnette sur la croix de granit.

À ce moment, Mme Reine sortait de l’église. Elle venait de baiser le nom d’Aubry sur la pierre blanche. Elle tendit la main au bon écuyer.

— C’était une bonne et digne créature murmura-t-elle.

— Et qui vous aimait, noble dame, ajouta Jeannin d’une voix tremblante, du meilleur de son cœur !

Reine regarda la croix ; elle retira sa main, où l’écuycr mettait respectueusement ses lèvres.

— Jeannin, dit-elle avec une émotion soudaine ; ne crois pas que je déteste ta fille…