Page:A la plus belle.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Or, c’est ici qu’il faut écouter, mes amis, dit Fier-à-Bras l’Araignoire en s’interrompant, ouvrez l’oreille et ne soufflez !

Dieu sait que les bonnes gens du Roz n’avaient pas besoin de ce stimulant nouveau. Le nain reprit :

— Voici ce que le saint Enguerrand, ermite du mont Dol, dit au comte Otto Béringhem : « Tu t’appelles Othon, du nom de ton grand-père qui est aux pieds de Dieu et n’ose plus prier pour toi ; tu es réprouvé trois fois, puisque ton aïeul est un juste. Ta vie a été et sera : blasphémer le fort, écraser le faible. Tu es Satan sur la terre. Quand la Vierge Marie regarde du haut des cieux, Satan foudroyé retombe au plus profond de l’abîme… Homme de Fer, bourreau des femmes et des enfants, tu mourras de la main d’une jeune fille ! »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

C’était une pauvre petite église au clocher gris et pointu, levant son coq au-dessus des ifs du cimetière. À l’heure où le nain éblouissait les bonnes gens du Roz en leur faisant accroire qu’il commandait au soleil, la porte latérale de l’église s’ouvrit. Une femme entra.

Elle traversa la nef à pas lents et vint s’agenouiller devant l’autel.

À part cette femme, l’église était complètement déserte.

Le nuage opaque et noir qui couvrait le soleil jetait dans la nef modeste de mystérieuses obscurités. L’air humide rendait ces austères senteurs des églises : parfums perdus d’encens, sueurs des dalles, haleine des vieux saints dans leurs niches de pierre.

Reine de Kergariou, car c’était elle, resta un instant prosternée, puis elle fit le tour de l’autel et gagna le chœur.

Au milieu du chœur, il y avait deux pierres tombales. Sur la première se lisait le nom de Messire Hugues de Maurever ; sur la seconde le nom d’Aubry de Kergariou.

Entre les deux tombes, il y avait un coussin, affaissé par le fréquent usage.

C’est que Reine venait là tous les jours depuis cette nuit où