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Au-dessus de la porte d’entrée, un artiste indigène avait peint des pommes horriblement rouges et des raisins dont le renard se serait privé avec plaisir. Au beau milieu de cette œuvre d’art, les écussons de Maurever et de Kergariou, accolés sous le même cimier de chevalier, unissaient leurs émaux amis. Çà et là aux murailles pendaient des andouillers de cerf.

C’était tout.

Ajoutez une énorme table, pliant sous le poids du bœuf, du porc et de la venaison, des chaises de bois sculptées et un paillasson, épais de quatre doigts, pour la châtelaine, vous aurez une idée parfaitement exacte de la salle à manger du Roz.

Il y avait eu là de nobles festins, du temps de M. Hue de Maurever, et encore du temps de feu messire Aubry de Kergoriou. Mais ils étaient morts tous les deux, et les festins ne vont pas bien sous le toit d’une veuve.

Mme Reine n’était, croyez-le, ni avare ni insociable. Seulement, elle se tenait à sa place.

Personne dans le pays n’était plus honoré qu’elle. À tous égards, elle le méritait, la bonne dame. Les défauts qu’elle avait ne nuisent point aux étrangers indifférents. Ses jolis ongles griftus n’ecorchaient que les proches et les dévoués. Longtemps, la Bretagne avait gardé ces belles mœurs des aïeux insulaires que Walter Scott a si souvent et si magnifiquement décrites ; longtemps, maîtres et serviteurs s’étaient assis à la même table, dans la commune hospitalité du manoir.

Au XVe siècle, il n’en était plus ainsi. La table des maîtres n’appartenait qu’aux hôtes nobles et à ces pensionnaires privilégiés qui s’appelaient la maison.

Chez les grands seigneurs, la maison était composée de gentilshommes.

Chez les simples nobles, la maison formait une classe intermédiaire qui prenait au-dehors le pas sur la bourgeoisie, et qui, en réalité, empruntait quelque importance aux armes qu’elle portait.

C’étaientl’écuyer, le page ou les pages, les hommes d’armes.