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quence, votre belle cousine, Berthe de Maurever, et voyez quelle figure vous auriez faite, messire !

Cette fois Jeannine baissa la tête et Aubry regarda son ami Jeannin de travers.

Mme Reine se disait, l’excellente mère et la femme injuste : — Voyez comme ce Jeannin cache son jeu !

Le brave homme d’armes ne cachait assurément rien du tout.

— Qu’avons-nous donc ? reprit Fier-à-Bras jouissant de l’embarras qu’il avait fait naître ; sommes-nous à l’enterrement ? Il n’y a de gaillard ici que moi et messire l’Anglais.

Soyez tranquille, Kergariou, avant qu’il soit un mois vous coucherez votre lance devant des quintaines de chair et d’os, car le roi de France est en colère !

— Tu sais des nouvelles, enfant ? demanda vivement Mme  Reine.

Il faut vous dire que Fier-a-Bras avait bien une quarantaine d’années. Mais, ceci est encore un trait de caractère. Mme Reine, la charmante femme, ne riait jamais et s’entourait d’un haut rempart de dignité un peu empesée. Appeler le nain Fier-à-Bras ou l’Araignoire, c’eût été déroger à sa gravité, c’eût été presque rire.

Mme  Reine avait si grande frayeur de tomber dans le péché de frivolité, que l’ennui suintait autour d’elle comme l’humidité glacée aux parois d’une cave. Elle appelait cela tenir son rang.

La chose terrible, il faudra bien vous le dire une fois ou l’autre, la chose terrible, c’est que Jeannin, le pauvre bon Jeannin, était beau comme Apollon. Mme  Reine avait des yeux, des yeux charmants, même sous ses cheveux blanchis en nuit de torture.

Des yeux perçants surtout, des yeux jaloux ! Elle regardait sans cesse autour d’elle pour voir si quelqu’un pouvait éclipser son fils Aubry.

Or, Jeannin était trop beau ; il faisait tort à messire Aubry. Auprès de Jeannin, messire Aubry ne brillait pas assez. Qui ne connaît la coquetterie des mères ?