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En quel siècle voulut-on comprendre que le rire des nains est justement la chose qui tue ?

Si toute grandeur a sa décadence en ce monde, si tout est menacé tour à tour, c’est que les nains rient. Chaque fois que les nains rient, quelque grande chose tombe.

Fier-à-Bras l’Araignoire sortit de la haie au moment où le jeune sire Aubry de Kergariou touchait rudement le sol. Il se secoua et rajusta son costume, dérangé par les piquants du houx.

— Hé ! hé ! dit-il, j’arrive bien. Ce gentilhomme de bois vaut mieux qu’un fils de preux en chair et en os, à ce qu’il paraît. Bonjour, Ferragus ! bonjour, Dame-Loyse !. bonjour, les autres !

Les autres, c’étaient Mme  Reine de Kergariou, Aubry, Jeannin et Jeannine. Fier-à-Bras ne daignait nommer que les chiens.

Jeannin lui fit un signe de tête amical. Mme  Reine, rassurée sur le sort d’Aubry, lui envoya gaiement le bonjour, et Aubry lui-même inclina sa lance en cérémonie.

S’il restait quelque inquiétude à Mme  Reine, cette inquiétude n’avait plus trait à la chute de son fils. Une petite voix, bien douce pourtant, lui demeurait dans l’oreille comme la piqûre importune d’un insecte. Quand elle avait crié, un autre cri de frayeur avait répondu au sien. Jeannine était là ; Reine le savait.

Soit malice, soit étourderie, le nain se chargea d’envenimer la piqûre.

— Comme vous voilà pâlotte ce matin, derrière votre rideau, ma belle demoiselle Jeannine ! s’écria-t-il, messire Aubry, dites-lui donc que vous n’avez pas eu de mal ! Le jeune homme rougit ; Jeannine détourna la tête. Reine se mordit la lèvre.

Jeannin eut un bon rire franc et naïf.

— Tiens tiens dit-il ; tu étais là, toi, fillette ?

— Eh bien ! ajouta-t-il en se tournant vers Aubry ; représentez-vous à la place de Jeannine qui n’est point de consé-