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gauche avec l’aiguille que je t’ai donnée, et laisse tomber une goutte de ton sang dans le puits en disant Airam[1]

— Airaim ! répéta le comte Otto pour graver ce nom dans sa mémoire.

Les deux montagnes s’éteignirent et fumèrent, comme deux souches de bois vert qui ont cesse de flamber. La fille de Satan avait disparu.

Le lendemain, des que la brune tomba, le comte Otto prit le chemin du Teufelgau. La lune était sous de grands nuages noirs. Le comte eut peine à retrouver le trou qui est la porte de l’enfer. Quand il l’eut trouvé, il mit son oreille contre terre et il entendit bien le fracas de la ronde éternelle que les damnés dansent autour du trône de Satan. Il se piqua la grosse veine du bras gauche. Une goutte de sang tomba dans le puits, d’où s’élança un tourbillon de vapeur. Le comte respira cette vapeur et devint ivre. Il cria pourtant Airam !

À ce mot, un formidable éclat ; de rire éclata au-dessus de sa tête. Le comte Otto leva les yeux. Il vit, sur le ciel embrasé soudainement, une colossale silhouette qui se détachait en noir. Le géant était debout. Son pied droit s’appuyait à la cime du Hund, son pied gauche au sommet de là Ziége, le Teufelgau passait entre ses deux jambes écartées.

— Es-tu Satan ? demanda le comte Otto.

Le géant répondi !

— Je suis Satan.

Sa voix fit trembler les deux montagnes sur leur base. Mais le comte Otto ne trembla pas. Le roi du mal lui demanda

— Que veux-tu ?

— Je veux, répliqua le comte, que tu me montres l’endroit où est tout l’or de la terre.

Satan courba son échine, puissante. Sa large main saisit le comte Otto par la ceinture et l’enleva dans les airs. Puis il déploya ses grandes ailes qui frappaient l’air avec le bruit de la

  1. C’est le nom de la vierge retourné : Maria Airam. Cet anagramme cabalistique était regardé en Allemagne comme la plus irrésistible de toutes les conjurations.