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aux reins, la croix sur la poitrine. Il avait nom Rudolphe le Pieux et faisait des miracles. Le comte Otto se mit en selle et tourna la tête de son cheval vers la grotte de l’ermite.

Mais savez-vous ? Satan a une fille. Quand Satan est absent et ne peut répondre aux conjurations des mortels, sa fille vient à sa place. Satan était quelque part, au-delà du Rhin, présidant un conciliabule de francs-juges, et faisant une pointe au poignard qui tue les rois dans l’ombre.

C’était la fille de Satan qui était couchée sous le dernier arbre de la forêt. Elle entendit peut-être que le comte Otto prononçait le nom de Dieu dans son cœur. D’un bond elle se plaça au-devant du cheval, et jetant une guirlande de fleurs autour du cou de Béringhem, elle l’entraîna loin de l’ermitage.

Rudolphe le Pieux sonna sa cloche, sentant qu’il y avait une âme en peine aux alentours. Mais la fille Satan sauta en croupe derrière Otto et se mit à chanter. Otto n’entendit pas le son de la cloche. La fille de Satan lui donna une aiguille en métal rouge, cent fois plus précieux que l’or pur, puis elle le conduisit au plus profond du Teufelgau, à un endroit où il n’y avait ni un buisson, ni une touffe de bruyère, ni un brin d’herbe. Les cimes des deux montagnes, le Hund et la Ziége dominent ce lieu et surplombent de chaque côté, ne laissant voir qu’une bande du ciel. Un trou rond, en forme de puits, s’ouvre sous une roche noircie par l’haleine des maudits car ce trou est la porte de l’enfer.

— Vois-tu le trou, seigneur comte ? demanda la fille de Satan.

Il faisait si noir que le comte Otto ne voyait pas même ses pieds. La fille de Satan étendit sa main droite vers le Hund, sa main gauche vers le Ziége. Les cimes des deux montagnes s’allumèrent comme deux énormes flambeaux.

— Je vois le trou, dit le comte avec calme.

Il n’avait pas peur. La fille d’enfer reprit :

— Quand tu voudras voir Satan, ne t’embarrasse pas de conjurations ni de grimoires. Pique la grosse veine de ton bras