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Il baissa la voix et ajouta en se parlant à lui-même :

— Ce hasard qui avance son voyage est-il un avertissement du ciel ?

— De quoi ? fit Bruno ; si tu parles entre tes dents, petit Jeannin, je ne t’entendrai pas, car je commence à durcir des oreilles… la gauche surtout, pour un coup de masse d’armes que j’y reçus en l’an quarante au siège de Cesson-sur-Vilaine.

— Le duc ici, pensait Jeannin ; le roi là : un filet d’eau entre deux !

— Mais, Dieu merci ! reprit Bruno, ce n’est pas pour bavarder à l’aventure que je te cherchais, petit Jeannin. Dis-moi bien vite ce qui est advenu de ton entretien avec mon compère Gillot de Tours en Touraine, un brave homme ! et qui a du crédit, car il lui a sufli d’un mot pour me faire donner la place de frère-portier, que je désirais, à cause de mes jambes qui ne veulent plus monter.

— Ah ! dit Jeannin qui le regarda en face, vous êtes portier du monastère, à présent, mon frère ?

— Depuis huit jours. Et figure toi que pendant tout ce temps-là, je n’ai pas pu mettre la main sur mon compère Gillot, pour le remercier de ses bons offices.

— Connaissez-vous le roi ? demanda Jeannin,

Bruno baissa l’oreille. Il lui en coutait gros d’avouer qu’il ne connaissait pas le roi de France.

— Écoute, petit Jeannin, dit-il, je connais tout le monde, on sait bien cela. Mais le roi… c’est comme un guignon ! je ne l’ai jamais aperçu.

Il se rapprocha et prit l’homme d’armes par le bras.

— Voyons ! voyons ! continua-t-il ; va-t-on faire des mystères avec le vieux Bruno ? Le mariage avance-t-il ?

— Quel mariage ? Bon bon c’est une affaire d’État, je le sais bien, puisque c’est moi qui t’ai envoyé le compère Gillot. Je suis au fait tu peux tout me dire.

— Mais, je veux mourir !… commença Jeannin.

— Nous mourrons tous, mon ami ; ne blasphème pas ! Je