On tirait à l’arc, à l’arbalète, à l’arquebuse.
Les jeunes filles essayaient de couper à l’aveuglette des fils tendus avec leurs ciseaux.
Tout ce que nous pouvons accorder à la couleur locale, c’est que les pièces de dix sous s’appelaient des carolus ou autrement, et qu’il y avait des hommes d’armes au lieu de gendarmes.
Tout le reste était identique. La graisse rance des cuisines en plein vent offensait l’odorat comme chez nous. Les chevaux de bois couraient la bague. Et pour compléter la parité, des baraques pavoisées d’horribles tableaux appelaient la foule à toutes sortes de spectacles-attrapes.
Eh quoi ! notre âge orgueilleux penserait-il avoir inventé le lapin à douze pattes et le brochet qui chante ? Débiles que nous sommes ! Sous Louis XI, la jeune fille sauvage dévorait déjà des lambeaux de veau cru ; les chiens étaient savants, témoin la fameuse chèvre Djali.
Sous Louis XI, l’hercule du Nord, souvenance des invasions norvégiennes, prenait des poids de cent livres entre ses dents et se promenait avec un archer de cinq pieds huit pouces, armé de toutes pièces, au bout de chaque bras. Lapalud, le chroniqueur castrais, parle d’un équilibriste du douzième siècle qui portait douze melons superposés sur la pointe de son nez. Douze beaux melons ! Sibylle de Faenza marchait au plafond, tête en bas. Gervais Givet, qui fut depuis bouffon d’un duc de Souabe, dansait sur des bouteilles, ni plus ni moins que notre Auriol. Couleur locale, où es-tu ?
Remarquez avec nous combien Goton, la doyenne des servantes du Roz, avait encore bonne mine et combien Mathurin sans dents, son époux, était brave et proprement couvert ! Goton, il est vrai, gardait la trace d’un coup de poing sur l’œil, mais Mathurin avait une bosse au front, et il ne convient pas de s’immiscer trop avant dans le secret des ménages. Ils avaient fait ensemble une route de trois lieues. Quelques horions échangés allégent la fatigue et entretiennent la gaîté.
La fête avait lieu, comme nous l’avons dit, sur les deux