— Tu ne m’aimes plus ! reprit-elle les larmes aux yeux et le rouge au front ; et sais-je ce que j’ai fait, moi, pour que tout le monde me délaisse ? suis-je donc méchante ? suis-je donc…
— Oh ! que vous êtes bonne, demoiselle Berthe ! tout le monde vous aime.
— Demoiselle !… tu m’appelais Berthe autrefois, Jeannine. T’ai-je donc jamais fait sentir la distance que le hasard a mis entre nous ? N’ai-je pas dit bien haut et bien souvent que je tenais ton digne père pour noble homme par le cœur et par la vaillance ?
— Vous avez toujours été la meilleure, la plus douce, la plus indulgente…
— Tais-toi ! s’écria Berthe en marchant vers la fenêtre que Javotte avait fermée avant de sortir ; tu ne sais plus me parler ! Il y a quelque chose entre toi et moi. Tout à l’heure sur un conte de cette étourdie de Javotte, je t’appelais ma rivale.
— Au nom de Dieu ! s’écria Jeannine effrayée, ne croyez pas cela, demoiselle Berthe.
Berthe, qui avait la main sur la targette de la fenêtre, ne put s’empêcher de sourire. Elle pesa sur le pommeau de la targette, et la fenêtre s’ouvrit, laissant passer un clair et vif rayon de soleil. Berthe regardait Jeannine, qui restait toute confuse.
— Voilà que je t’ai fâchée, dit-elle doucement et comme on demande grâce ; il faut donc que je t’explique cette folie. La rue est entre nous deux, et l’on a trouvé dans la rue un ruban portant ces mots À la plus belle ! Voilà pourquoi Javotte disait…
Elle eut la parole coupée.
Une flèche, lancée par une main mystérieuse, passa pardessus le balcon et vint se ficher dans le plancher, juste entre les deux jeunes filles, à égale distance de chacune d’elles.
Il y avait quelque chose d’attaché sous les barbes.
Quand la flèche ne trembla plus, Berthe et Jeannine reconnurent en même temps que l’objet qui pendait au bois était un cœur d’or semé tout de saphirs.