Javotte ; depuis que le monde est monde, les jeunes gars sont plus timides que les demoiselles. Ça tient à la différence des sexes, comme dit mon oncle Bruno, qui est moine et savant de nature, car il n’a jamais étudié.
Voilà donc pourquoi Javotte était si bavarde ! Elle avait un peu de bon sang de Bruno dans les veines.
— De quoi ! reprit-elle, faudrait-il pas que messire Aubry fût gaillard comme s’il portait des jupes ? Allez ! il n’a pas besoin d’entrer à l’hôtel… à moins que ce ne soit pour moi ou la petite Jeannine de chez la Le Priol qu’il passe et repasse dans la rue Miracle…
Elle éclata en un bon gros rire franc et joyeux.
Les longues tresses de Berthe tombaient en désordre sur ses joues. La main de la fille de chambre, un peu rouge, faisait ressortir la délicate carnation de ce visage si jeune et si beau. Certes, ce n’était pa en effet pour Javotte que messirc Aubry passait et repassait dans la rue Miracle.
… Tu sais, dit Berthe, fais que mes tresses se renflent et descendent en s’arrondissant. Un jour que j’étais coiffée ainsi, je me souviens qu’il regarda longtemps mes cheveux.
— Oh ! comme vous vous aimez tous deux, ma chère maîtresse ! et le joli ménage que vous ferez !
Berthe baissa les yeux et un incarnat fugitif vint animer sa joue trop pâle. Elle avait presque un sourire.
— C’est singulier, murmura-t-elle, tu me dis toujours qu’il m’aime, toi, Javotte ; mon père me l’assure, madame Reine me l’écrit, le bon écuyer Jeannin m’en jure ses grands dieux. Et lui… oh ! lui ne m’a jamais rien dit de semblable !
— Son sexe, mademoiselle Berthe ! son sexe ! s’écria la rustique camériste, songez à son sexe ! J’ai ouï dire qu’à Paris c’est autrement. Messire Aubry est de Bretagne. Mi Jésus ! moi, qui vous parle, Julien Moutonnet, mon promis, a été deux ans avant d’oser me donner son premier coup de poing dans le dos ! Regardez voir si vos tresses vous conviennent.
Berthe jeta un regard distrait au petit miroir qui basculait entre deux colonnettes de bois sculpté.