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Pierre Gillot donna de la houssine à son bidet, qui était cependant bien innocent du mauvais succès de la négociation.

Il avait proposé à Jeannin d’enlever François de Bretagne et de le conduire au mont Saint-Michel. Jeannin avait refusé. Mais les paroles entendues étaient restées au fond de cet esprit droit et naïf. Ce qu’on lui avait dit revenait à sa mémoire, et l’impression produite était profonde. C’était sa loyauté inébranlable qui avait refusé ; son intelligence était avec le roi.

— Oh ! le sot ! oh ! le baudet ! oh le triple nigaud ! lui cria le nain Fier-à-Bras, comme il rentrait pensif dans la salle à manger.

— Tu étais la, toi ? demanda Jeannin dont les yeux rencontrèrent la porte ouverte du buffet.

— Eh ! oui, j’y étais !

— C’est toi qui disais : C’est le roi c’est le roi !

— Eh oui, c’était moi ! Ah Jeannin ! pauvre d’esprit, tu ne seras jamais chevalier !… Il fallait accepter !

— Accepter ! Une trahison !

— Ou bien, continua le nain, mettre ta large main sur l’épaule du finaud et lui dire : Au nom du duc François, mon seigneur, vous êtes mon prisonnier, sire !

— Mettre la main sur le roi !

— Ah ! Jeannin ! Jeannin ! tu ne seras jamais chevalier. Et ta fille pleurera tant qu’elle mourra !

— Ma fille s’écria Jeannin qui le regarda ébahi.

À ce moment, Jeannine passa le seuil de la salle. Elle était toute pâle et bien changée. Elle portait un costume de voyage. — Mon père, dit-elle, je pars pour Dol, sous votre bon plaisir.

— Et quand reviendras-tu ?

Je ne sais ; ma grand’mère Le Priol veut bien que j’habite avec elle.

Jeannin croyait rêver. Sa fille était née au manoir du Roz. Pourquoi ce départ ? Pour la première fois, la lumière essaya de se faire dans l’esprit du bon écuyer. Il regarda du côté de