à son peuple, et il est donné rarement à celui qui plante le jeune chêne de se reposer sous son ombrage. Maître Jeannin, je ne connais pas beaucoup de seigneurs à qui je voulusse parler comme je vous parle. Vous êtes de roture : la cause des pauvres et des faibles est votre cause. Écoutez-moi bien La souffrancede tous est dans la division de l’autorité : me comprenez-vous ?
— Non sire.
— J’ai vu en passant un vaste et beau champ de blé qui est au bas de la montagne, dit le roi en changeantde ton tout à coup.
— À la lisière de la forêt ? demanda Jeannin.
— À la lisière de la forêt.
— Il appartient à ma noble maîtresse, Mme Reine de Kergariou.
Le roi sourit.
— Ami Jeannin, reprit-il, ce beau champ ne perdrait-il pas de sa valeur si on le coupait de haies et de clôtures ?
— Si fait, assurément,
— Dieu a fait un champ plus vaste et plus beau. Ce champ est présentement gâté par des clôtures et des haies qui avilissent son inestimable prix. Les divers lambeaux de ce champ ont des noms, ils s’appellent Bourgogne, Bretagne, Languedoc, Gascogne, Flandres, Lorraine. Par saint Michel archange ! l’ami Jeannin, je veux, moi, que ce beau champ, depuis la mer du Nord jusqu’aux Pyrénées, depuis la Manche jusqu’au Rhin et aux Alpes, s’appelle d’un seul nom {[sc|La France}}. Comprenez-vous, maintenant ?
— Oui, sire.
Le nain comprenait aussi, et il se disait :
— Par mes confitures l’honnête seigneur que voilà ! À moi tout, rien aux autres !… Mais si, au lieu de lui donner Nantes, Toulouse, Lille, Dijon et Péronne, on lui prenait Paris, ce serait tout un ! Je parie que Jeannin le simple ne s’avisera pas de cela !
Voilà pourtant comme les nains entendent la politique ! ont-ils tort ?