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VIII
INTRODUCTION.

prit fort. C’est un théologien, un croyant, qui admet comme vrai tout ce qui est dans la Bible, et les miracles en particulier. Seulement il leur applique son système comme à tout le reste. Pour lui, ces miracles ont toujours été en quelque sorte personnels, et, lors même que le texte semble positivement affirmer que les lois générales de la nature ont été bouleversées, il admet que ces lois n’ont été suspendues que localement. Toujours il trouve dans le livre qui lui sert de guide quelque raison à l’appui de son interprétation[1]. En un mot, on trouve partout chez La Peyrère un mélange de foi complète et de libre critique. — Ce livre du reste ne convainquit personne, et la doctrine de l’auteur retomba bientôt dans l’oubli jusqu’à ces dernières années, époque où on l’a reproduite et accueillie avec une faveur assez inattendue, principalement en Amérique.

La tentative de La Peyrère était isolée ; elle avait eu lieu à peu près exclusivement sur le terrain de la théologie, et le dogme adamique remporta la victoire sans presque avoir eu à combattre. La guerre que lui déclarèrent les philosophes du dix-huitième siècle

  1. Par exemple, si, pour rassurer le roi Ézéchias, l’ombre a rétrogradé de dix degrés sur le cadran d’Achas, le prodige a été tout local, et le soleil n’est pas pour cela revenu sur ses pas. La preuve en est, dit La Peyrère, que le roi de Babylone envoya des ambassadeurs tout exprès pour se renseigner sur ce fait qu’il n’auraient pu ignorer, si le cours de l’astre avait été réellement interverti pour la terre entière. — «L’étoile des mages, dit encore notre auteur, n’était qu’une lueur, une espèce de lampe visible pour les pieux pèlerins seulement,» et il en donne pour preuve qu’elle put s’arrêter au-dessus de la maison où était le petit enfant, de manière à l’indiquer nettement, ce qui n’eût pas été possible s’il s’était agi d’un astre véritable ayant sa place dans le ciel.