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V
INTRODUCTION.

rencontré de nombreux adversaires. Chose assez remarquable, c’est au nom même de la Bible que ce dogme a été d abord attaqué, et il ne sera pas inutile de résumer ici les arguments que dès le dix-septième siècle on faisait valoir contre lui.

En 1655, La Peyrère, gentilhomme protestant attaché au prince de Condé, publia un traité de théologie fondé tout entier sur l’existence d’une population humaine antérieure à Adam[1]. Dans ce livre fort curieux et remarquable pour l’époque, La Peyrère s’efforce de démontrer que l’histoire d’Adam et de ses descendants n’est autre chose que le commencement de l’histoire des Juifs seuls, et non de celle des hommes en général. Partant des deux récits de la création qui se trouvent dans la Genèse, et se fondant sur les différences qu’on a de tout temps signalées entre eux, il regarde le premier comme se rapportant à la création des gentils[2], le second à l’origine du peuple que Dieu avait choisi entre tous les autres. — Les gentils, créés les premiers, au sixième jour de la grande semaine, en même temps que les animaux, appartiendraient en quelque sorte à la création générale. Ils auraient été formés comme tous les autres êtres et tirés comme eux de la matière du chaos. Ils auraient apparu en même temps sur la terre entière, et aucun d’eux n’aurait jamais pénétré dans le paradis terrestre. Adam, le premier Juif tiré du limon de la terre, Eve formée avec une côte

  1. Systema theologicum ex preadamitarum hypothesi. Pars prima.— La seconde partie ne parut pas, sans doute par suite des persécutions que ce premier ouvrage valut à l’auteur.
  2. Genèse, premier et second chapitre.