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LA BELLE ALSACIENNE


d’une figure touchante les dispositions nécessaires pour y jouer un rôle intéressant dans le monde, si, comme moi, son étoile l’eût conduite à Paris, dans la saison d’en tirer avantage ; il ne manquait à ses attraits et à ses heureuses inclinations qu’un théâtre et des spectateurs plus dignes d’elle ; mais que faire de tout le mérite imaginable, reléguée dans une petite ville d’Alsace ? Ma mère ressentit toute la malignité de l’influence des astres, qui avait resserré ses perfections dans des limites si étroites. Victime de l’obscurité dans laquelle elle vivait, elle fut obligée de déshonorer ses attraits par l’alliance monstrueuse d’un boulanger septuagénaire.

Ce fut à cet heureux mortel qu’elle porta le voluptueux débris de plusieurs mariages qu’elle avait ébauchés avec tout ce que la solitude de Colmar lui avait permis de trouver d’amants propres à lui faire goûter les douceurs d’une tendresse précoce.

Les Allemands, animaux flegmatiques, sont apparemment plus indulgents que