Lorsque ma bonne amie me fit confidence de son goût pour lui, je le trouvai si déraisonnable que je ne pus m’empêcher de lui en marquer ma surprise. Ajoutez à cela que dans le détail qu’elle me fit de cette belle passion, il lui échappa de certains traits qui, s’ils faisaient honneur à la bonté de son âme, devaient humilier un peu son petit amour-propre. Il me parut nouveau qu’un homme ne bornât pas son ambition au seul plaisir de lui plaire, et qu’il ne se tînt pas assez honoré d’inspirer des désirs, sans exiger qu’elle ajoutât à la faiblesse qu’elle avait pour lui l’oubli de son propre intérêt ; en un mot, j’étais révoltée de voir qu’il y eût des hommes qui osaient mettre un prix à leur amour, et des femmes assez dupes pour les acheter ; on ne m’avait pas accoutumée à ces façons-là et je doute fort qu’il fût facile de me les faire goûter.
Je fis là-dessus toutes les représentations que l’amitié et l’honneur du sexe exigeaient de moi. Mon amie, que mes exhortations ne persuadaient pas, voulut me