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VII

Paris, 2 janvier 18…

Eh bien ! voilà du nouveau, par exemple, auquel je ne m’attendais guère, et qui t’étonnera peut-être. Hier soir, pour son jour de l’An, j’ai mené Valentine au Théâtre-Français. On jouait les Plaideurs et les Femmes savantes. Nous avons ri comme deux petites folles. Line était délicieuse dans sa robe gris perle ruchée de rose : elle portait, pour la première fois, le ravissant collier de perles que tu lui as envoyé pour ses étrennes. Ma petite sœur attirait tous les regards sans paraître s’en douter : moi, j’étais heureuse de sa joie et de son succès.

Nous sortîmes avant la fin du spectacle, car, ayant renvoyé ma voiture, nous devions prendre simplement l’omnibus, par gaminerie. À onze heures et demie, nous étions rentrées ; j’avais dit à Thérèse de ne pas nous attendre et de se coucher. Nous nous déshabillâmes, nous aidant mutuellement, et après une petite collation, notre toilette de nuit faite, nous nous couchâmes.

J’allais m’endormir, quand je crus sentir à côté de moi un léger mouvement…

— Tu ne dors donc pas, Line ?…

— Non, je n’ai pas sommeil… je pense au théâtre…

— Mais que fais-tu là, à te remuer ?…

Et je portai vivement ma main sur la sienne. Elle n’eut pas le temps de la retirer d’entre ses jambes, qui étaient écartées.

— Moi, rien… fit-elle d’une voix hésitante… j’allais m’endormir…

— Ce n’est pas vrai… j’ai bien senti où était ta main… Comment, petite malheureuse, tu as cette habitude-là ?…

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