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femme n’approchait de ce que cette Thérèse, si douce, si lymphatique en apparence, m’avait fait éprouver. Et c’était bien de l’amour, de l’amour intense, le plus tyrannique et le plus absorbant que j’avais pour elle…

Rassure-toi, cher Léo, les hommes n’existent plus pour moi, et ce ne sera pas de sitôt que je te ferai cocu… car je compte pour rien ma petite escapade avec le compagnon de voyage qui me retint une nuit à Lyon, lorsque je venais de te conduire à Marseille, et mes deux ou trois passades avec l’officier que j’avais rencontré au théâtre, et qui m’amusa quelques jours : le cœur n’y était pour rien, et je ne les reconnaîtrais peut-être pas si je les rencontrais, ni eux non plus, sans doute.

Tu vois, mon mari adoré, combien je suis franche avec toi ; tu m’as tout permis pendant ton absence, en me recommandant seulement trois choses : de ne rien faire qui pût compromettre ma réputation, ma santé, ou l’amour infini que j’ai pour toi. Sois sans crainte, mon Léo, je t’adore, tu es mon Dieu : n’est-ce pas toi qui m’as créée, qui m’as fait connaître le bonheur sous toutes ses faces ? Absent ou présent, tu es toujours dans mon cœur et, malgré tout ce que je viens de t’écrire, je t’aime, je t’aimerai toujours… plus que toutes les Thérèses du monde.

Amuse-toi bien, mon ami, car je sais que tu travailles bien aussi. As-tu un sérail, mon pacha ? Montre à ces étrangères ce qu’un Français peut faire quand il est aussi beau, aussi robuste, aussi charmant que toi : ménage seulement ta santé et tes forces.

Je finirai ma lettre (un volume !) demain, jour du courrier.


Samedi 19

… La dernière nuit, mon chéri, n’a guère ressemblé à la précédente. Écoute plutôt :

J’avais été dîner avec mes parents chez les Brosselard ; je me sentais énervée et toute troublée encore par mon aven-

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