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ASSEMBLEE NATIONALE — 1ère SEANCE DU 16 JUILLET 1953

3o De procéder, le vendredi 17 après-midi au début de la séance, et dans les salles voisines de la salle des séances, au scrutin pour l’élection de dix représentants de la France à l’assemblée de la Communauté européenne du charbon et de l’acier ;

4o D’inscrire en tête de la séance du mardi 21, matin, la discussion :

a) Du projet de loi portant fixation du tarif des droits de douane d’importation ;

b) Du projet de loi fixant le contingent des décorations avec traitement, à titre militaire ;

c) Du projet de loi fixant le contingent des décorations sans traitement, à titre civil ;

5o De fixer comme suit l’ordre du jour du vendredi 24, matin, après-midi et soir :

Débat restreint sur :

a) La proposition relative au reçu pour solde de tout compte en matière de salaire ;

b) La proposition relative à la semaine de quarante heures dans le commerce de détail ;

Deuxième lecture :

a) Sur la réforme fiscale ;

b) Sur l’aide au cinéma ;

c) Sur la loi foncière ;

d) Sur l’amnistie. »

M. Minjoz a déposé un amendement ainsi conçu :

« Inscrire, le vendredi 24 juillet, à la place de la deuxième lecture de l’amnistie :

« Le rapport de M. Fouyet sur le chômage, no 4133 ;

« Le rapport de M. Meck sur les allocations aux vieux travailleurs, no 4391 ;

« Le rapport de M. Bouxom sur les prestations familiales, no 4657 ;

« Le rapport de M. Mailhe sur la silicose, no 3016 ;

« Le rapport de M. Cherrier sur les versements rétroactifs pour la validation des services, no 4952 ;

« Le rapport de M. Gazier sur l’embauchage et le licenciement, no 4643. »

La parole est à M. Minjoz.

M. Jean Minjoz. Mes chers collègues, mes premières paroles seront pour exprimer le regret, ainsi que cela a été fait à la conférence des présidents, que l’Assemblée se sépare sans avoir procédé à un débat de politique extérieure.

La situation internationale est grave. Des conversations internationales viennent d’avoir lieu. Depuis des mois, le Parlement français n’a pas engagé le moindre débat important à ce sujet et a dû se contenter de déclarations ministérielles auxquelles un seul orateur peut répondre.

La semaine prochaine, nous a-t-on dit, M. le ministre des affaires étrangères doit se rendre devant la commission des affaires étrangères et peut-être fera-t-il une déclaration à l’Assemblée. Mais cette déclaration, non plus, ne donnera pas lieu à un débat. Il est vraiment regrettable que, de tous les parlements européens, seul le parlement français soit privé de débats de ce genre. (Très bien ! très bien ! à gauche)

En outre, il nous est proposé, avant d’interrompre notre session, d’examiner en deuxième lecture plusieurs projets et propositions de loi. Certains sont importants, tels ceux qui concernent la réforme fiscale et la loi foncière.

Pour ceux-là nous ne faisons pas d’objection.

Mais nous sommes invités — c’est un comble — à terminer nos travaux par la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi sur l’amnistie qui tend avant tout à amnistier les collaborateurs et les traîtres. Or, on a refusé d’inscrire à l’ordre du jour proposé par la conférence des présidents la discussion d’un certain nombre de rapports relatifs à des questions sociales de la première importance.

C’est la raison pour laquelle, au nom du groupe socialiste, je demande que soit substituée à la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi d’amnistie, la discussion du rapport de M. Fouyet, sur le chômage — problème d’actualité — du rapport de M. Meck sur les allocations aux vieux travailleurs, du rapport de M. Bouxom, sur les prestations familiales, du rapport de M. Mailhe, sur la silicose, du rapport de M. Cherrier, sur les versements rétroactifs pour la validation des services et enfin du rapport de M. Gazier, sur l’embauchage et le licenciement.

Ces problèmes d’actualité sont très importants du point de vue social et nous pensons que l’Assemblée s’honorerait en adoptant notre proposition.

C’est pourquoi, au nom du groupe socialiste, je demande le scrutin sur mon amendement. (Applaudissements à gauche.)

M. le président. La parole est à M. Aumeran.

M. Adolphe Aumeran. J’ai déposé des demandes d’interpellation sur la politique extérieure du Gouvernement. L’urgence n’en peut échapper à personne. Je demande à l’Assemblée d’en fixer la date, afin qu’elles puissent être développées avant notre départ en vacances.

Voici les raisons de mon insistance.

À l’étranger, et même en France, on reproche à notre politique extérieure de manquer de fermeté ou d’être inconstante. On en accuse les Français, ou plutôt le Parlement, qui en est en principe la représentation.

On ignore ou l’on oublie que la politique extérieure pratiquée par les gouvernements successifs n’a jamais été celle qui était souhaitée par la France, pas même celle qui était conseillée par le Parlement.

Ce dernier n’a été consulté que rarement : sous la poussée des événements, ou pour entériner un fait accompli, une signature engageant la France était donnée par un ministre des affaires étrangères pratiquant sa politique personnelle ou celle de son parti et que le Gouvernement, au nom de la commode solidarité ministérielle, couvrait en pesant sur le Parlement, qui ne pouvait pas lui retirer sa confiance en cette occasion.

A-t-on jamais débattu dans notre Assemblée la question particulièrement grave de l’Europe ? Non ! car seraient alors apparus le leurre des mots, l’équivoque, le desaccord. Au sein d’un même groupe, on aurait vu des divisions profondes s’affirmer.

On a préféré vivre dans ce brouillard et laisser aux faits le soin, soit de réaliser l’irréparable, soit d’empêcher ce que l’on déclarait impossible.

Connaissons-nous la position du Gouvernement actuel à cet égard ?

Le rassemblement, jamais vu jusqu’alors, des Européens de choc indiquerait que la dernière page de l’histoire de la France va être écrite, l’intégration à laquelle lesdits Européens aspirent ardemment étant la disparition de la France en tant que nation.

Mais que viennent donc faire dans ce ministère européen les tenants de la doctrine de la confédération, qui est le contraire de celle de l’intégration, puisqu’elle s’oppose à toute disparition de la souveraineté nationale ? (Applaudissements sur quelques bancs à l’extrême droite.)

M. Gaston Palewski. Très bien !

M. Adolphe Aumeran. Ministres, vont-ils s’associer à ce qu’ils repoussaient avec horreur comme députés ?

Même obscurité, mêmes incertitude et confusion en ce qui concerne la politique des États associés. Mêmes contradictions au sein du Gouvernement.

Ne voyons-nous pas ceux qui ont voulu obstinément défaire l’Empire s’accrocher désespérément aujourd’hui à une conception, une idéologie, dont ils sont contraints de constater l’erreur et l’échec ?

Cependant, de conférence en conférence, des engagements sont pris, des signatures sont données au nom de la France, engagements que, par la suite, elle se trouvera dans l’impossibilité de tenir, à l’étonnement de ceux qui, en imposant l’orientation aux représentants français, avaient pris leurs désirs pour des réalités.

Nos ministres sont-ils si éloignés de nous pour ignorer qu’il n’y a pas ici une majorité pour approuver la politique dans laquelle, cependant, ils se sont délibérément lancés ?

C’est ce genre d’erreur, que je crois souvent volontaire, qu’ils ne pourraient commettre si, par des débats clairs et fréquents, nous avions la possibilité d’exposer librement, comme on le fait dans les démocraties voisines, notre point de vue,