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parce qu’il va entrer en possession de cette douceur. C’est pour l’obtenir que Barthélemi abandonne son corps aux bourreaux ; pour la goûter que Jean avale sans crainte la coupe empoisonnée. Pierre en a à peine savouré les délices, qu’oubliant toutes les choses de ce monde, il s’écrie comme un homme en proie à l’ivresse : « Seigneur, il nous est bon d’être ici ; faisons-y trois tentes[1]. » Demeurons ici et livrons-nous à la contemplation ; nous n’avons plus besoin d’autre chose. Une goutte seulement de ce bonheur est arrivée jusqu’à lui, et tout autre bonheur lui devient insipide. Qu’aurait-il dit s’il eût participé à cette abondance inénarrable cachée en votre divinité et que vous tenez en réserve pour ceux qui vous craignent ? C’est à cette douceur ineffable qu’avait puisé Agathe, votre vierge, lorsqu’elle marchait vers la prison, triomphante de joie et de félicité, comme si elle eût été invitée à un festin brillant. Enfin c’est à cette source que s’était désaltéré, je le crois, celui qui disait : « Combien est grande, Seigneur, l’abondance de votre douceur, de cette douceur que vous avez réservée à ceux qui vous craignent ! — Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux[2]. »

Mais celui qui n’a pas participé à cette douceur de Dieu ne prend aucun soin de se soustraire aux souillures des plaisirs terrestres. C’est un grand bienfait du Seigneur que d’avoir renoncé aux vices et aux délices de ce monde. Poussez donc des gémis-

  1. Matt.,17.
  2. Ps.30-33.